La société vue du don. Manuel de sociologie anti-utilitariste appliquée.
Sous la direction de Philippe Chanial, Editions La Découverte, Paris, France, maggio 2008
Le don fait-il encore société ? Ou, du moins, contribue-t-il encore à certains de ses ressorts essentiels ? Est-il toujours actuel ? En apparence, non. Les sociétés anciennes se sont pensées dans le langage du don mais nous, modernes, parlons un tout autre idiome, celui de l’intérêt notamment. Peut-être nous arrive-t-il encore, dans l’intimité et dans nos relations personnelles, de donner, mais il semble bien illusoire, et surtout bien naïf, de considérer que le don serait toujours au coeur de nos sociétés contemporaines et qu’il contribuerait encore à nourrir liens, échanges et identités sociales. Faut-il alors, comme y invite la sociologie aujourd’hui, l’abandonner au folklore des anthropologues et aux spéculations des philosophes ?
Conçu comme un manuel de sociologie anti-utilitariste résolument empirique et appliquée, ce livre vise, au contraire de ces évidences partagées, à rappeler, à l’épreuve des terrains les plus variés, que le système du don - le « donner-recevoir-rendre » de M. Mauss - n’est aujourd’hui ni mort, ni moribond mais bel et bien vivant pour qui sait voir. Plus encore, il suggère que le don constitue, aujourd’hui comme hier, le système même des relations sociales en tant qu’elles sont irréductibles aux relations d’intérêt économique ou de pouvoir, aussi prégnantes soient-elles. La sociologie a donc tout à gagner à porter sur les phénomènes sociaux un regard neuf, à chausser d’autres lunettes que celles qui se bornent, un peu paresseusement, à démasquer, toujours et partout, l’intérêt et le pouvoir. Les lunettes du don.
Vus du don, les champs classiques de la sociologique prennent un tout autre relief. Qu’il s’agisse du monde du travail et des organisations, de la sociabilité, familiale, amicale, amoureuse, des questions de genre et d’identité, de la protection sociale et de la solidarité ; des associations ou de la philanthropie ; du champ de la médecine et de la santé ou encore de la religion, de l’art et de la science, chacune des contributions ici réunies, rédigées par des spécialistes reconnus dans ces différents domaines, démontre combien le paradigme du don ouvre la voie à une intelligence inédite des phénomènes sociaux. Invitant le sociologue à porter son regard sur ce qui circule entre les hommes (et pas uniquement sur ce qu’ils prennent et accumulent), il donne à voir cette délicate essence du social si chère à Marcel Mauss.