Le Cercle d’auto-promotion pour un développement durable au Bénin Promotion du micro-crédit pour le changement social

Julie DUCHATEL, juillet 2008

Le Cercle d’auto-promotion pour un développement durable (CADD) a été créé en 1993, regroupant 120 organisations de femmes et 15 organisations de jeune. Au total 3 000 femmes sont membres du CADD. De 1993 à 1996, le CADD met en place un système de tontine. Les femmes alimentaient la tontine de 500 FCFA (soit 1 Euro) tous les mois et la somme récoltée était attribuée par tirage au sort. Mais depuis 1996, la principale activité du CADD est de promouvoir le système d’épargne-crédit, avec l’adoption de textes réglementaires assez élaborés, afin de favoriser l’autonomie financière, dans un premier temps, des femmes. Dans un deuxième temps, comme l’explique sa présidente Emilie Atchaca, il s’est agi d’unifier les femmes autour d’une lutte politique globale visant à dénoncer la structuration inégale économique de la société béninoise et du monde et ses rapports de force actuels. Le micro-crédit peut donc servir au changement politique de la société.

Fonctionnement et organisation du CADD

Pour être membre du CADD, il faut verser 200 FCFA pour adhérer et cotiser 1000 FCFA (2 euros) par an. Le CADD procède à des obtentions de crédits (via une Caisse centrale qui fonctionne comme une banque de dépôt au service de tous les groupements qui composent le CADD) sur présentation d’un projet qui doit générer un revenu. L’accès au micro-crédit est relativement facile et simple et le taux d’intérêt de 2 % est très bas comparé aux autres institutions de micro-crédit. Le taux de surendettement est donc très limité.

Le CADD est uniquement géré par les femmes et se compose comme suit : une Assemblée générale des Unions (AG), un Conseil d’administration (CA), un Comité de crédit (CC) et un Comité de surveillance (CS). Ces trois derniers organes ont pour obligation de rendre des comptes à l’Assemblée générale. Les membres de ces organes sont des femmes et sont élues pour trois ans.

L’Assemblée générale est constituée de cinq déléguées par groupement (il y a quatre Unions qui regroupent chacune 26 groupements composés de 20 femmes). L’AG élit sept responsables par unions qui siègent à l’Assemblée générale des réseaux où sont prisent les grandes décisions (nomination des membres du CA, définition des grandes orientations et vote du budget), à la majorité des deux tiers. Les réunions ont lieu une fois par trimestre.

Le CA, composé de sept membres, prépare le programme d’activité et le budget et se réunit une fois par trimestre.

Le CC reçoit les demandes de crédits et décide de l’octroi du crédit. Il effectue également le suivi du remboursement. Il se réunit autant de fois que les demandes se présentent. Cependant, chaque groupement a une marge de manoeuvre assez grande pour octroyer des petites sommes à des membres dans le besoin, sans forcément passer par le CC.

Le CS a pour mission de veiller au respect des textes réglementaires, du fonctionnement du CC et de veiller à l’exécution des activités prévues et de l’affectation du budget.

Pour le CADD, les crédits utilisés doivent servir à financer des investissements professionnels pour permettre aux femmes de vivre sur le long terme de leur activité et non de satisfaire des achats de base (comme cela peut être le cas pour les prêts du type de la Grameen Bank au Bangladesh). Les montants accordés sont donc substantiellement plus élevés. Le CADD accompagne les femmes tout au long du processus et les conseille.

Lutte politique et micro-crédit

Mais le CADD ne s’arrête pas là et veut se servir du micro-crédit pour sensibiliser ses membres aux questions plus larges de la société, comme la condition des femmes au Bénin et le droit des femmes. Ainsi, par leurs activités, les femmes sont peu à peu arrivées à se libérer de la tutelle de l’Eglise catholique qui détenait tout le système de micro-finance dans les années 1990. Le CADD n’exclut pas les hommes, même si certains maris sont hostiles à l’émancipation de leur femme, et essaie toujours de les impliquer dans les assemblées générales, afin qu’ils prennent conscience du fait que la libération de la femme assure le développement pour tous. Enfin, le CADD effectue un travail important de conscientisation sur les rapports Nord-Sud en militant ainsi pour l’annulation de la dette du Tiers Monde, contre les politiques néo-libérales appliquées au Bénin, pour la souveraineté alimentaire, la réforme des règles du commerce inéquitables et le développement durable. Sa présidente envisage de se présenter aux prochaines élections municipales au Bénin.

Intervention d’Emilie Atchaca au Forum des Peuples, Katibougou, Mali, juillet 2008 (1)

Emilie Atchaca a co-animé un atelier durant le Forum des Peuples à Katibougou, au Mali, le 6 juillet 2008 sur le thème de la micro-finance. Elle a immédiatement précisé que l’instrument de la micro-finance avait été rapidement récupéré par de grandes organisations internationales pour lutter contre la pauvreté. Mais le bilan de cette lutte reste mitigé car toutes les catégories de pauvres ne sont pas touchées. De plus, la micro-finance est multiple dans ses formes et dans ses buts, allant de structures créées par des personnes de bonne volonté à des sociétés anonymes. Enfin, elle a pu observer que les conditions d’accès au crédit se rapprochent souvent de celles imposées par les banques traditionnelles, tout comme les taux d’intérêt, excluant de ce fait une bonne partie de la population pauvre d’un pays. Le CADD, organisation de femmes, bénéficie d’une expérience concrète et véritablement démocratique, réalisant des auto-évaluations fréquentes. En 2007, le CADD a accordé 127 millions de FCFA (soit environ 193 000 Euros) à plus d’un millier de femmes aux conditions modestes. Emilie a également ajouté qu’un vaste programme de formation en gestion était en cours et destiné à ses membres. Emilie Atchaca a conclu son intervention en soulignant le fait que lorsqu’un programme de micro-finance est bien pensé, ancré dans la réalité politique et économique d’un pays, en lien avec d’autres organisations et est réellement entre les mains de ses destinataires (en l’occurrence les femmes aux conditions modestes), le pouvoir économique et le statut dans la société de ces destinataires peuvent considérablement être améliorés.

Notes

Cette fiche est un résumé de l’article de Renaud Vivien, « Le CADD : micro-crédit et lutte politique », publié dans l’ouvrage collectif Produire de la richesse autrement : usines récupérées, coopératives, micro-finance,… les révolutions silencieuses, PubliCetim n°31, octobre 2008, éditions du CETIM, Genève. ISBN 2-88053-059-5, 6 € - 10 CHF.

Renaud Vivien est juriste et coordinateur du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde (CADTM).

Sources :

D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html. Dossier: Produire de la richesse autrement, CETIM